Tchernobyl, capitale du dark tourism

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En 1986, le réacteur N°4 de la centrale nucléaire de Tchernobyl explosait. Même si ce lieu reste en quarantaine depuis, il est parfois difficile d’imaginer que c’est devenu une activité touristique. Visiter un lieu inondé par la radioactivité est assez étrange car le mal est invisible et son ombre nous suit à chaque pas.

Revenir 30 ans en arrière

Pour beaucoup de gens, aller à Tchernobyl peut sembler étrange voir complétement fou. Même si je suis habituée à visiter des lieux abandonnés depuis plus d’une dizaine d’années ce n’est pas tant l’abandon de Pripyat qu’il m’intéressait de voir mais surtout de vivre et regarder de mes propres yeux cette zone de quarantaine. Se rendre compte des résultats de cette catastrophe.

Checkpoint à l’entrée/sortie de Pripyat. Et test de la radioactivité quand on en sort. La radioactivité est également mesurée sur les voitures.

La Zone est sous quarantaine militaire. Pour y accéder il faut donc une autorisation. En passant par une agence, celle-ci s’occupe de tout : déclarer notre venue, la durée, nous donner accès aux parties que nous souhaitons visiter. Mais aussi l’hébergement, la nourriture pendant ce séjour. Seul l’eau devra être achetée au préalable.
Avant de partir de Paris, j’avais mesuré la radioactivité avec le même compteur Geiger et j’avais eu 0,12. A l’hôtel dans la zone des 30km : 0,09.

Hôtel où nous résiderons dans la zone des 30km

Autant le dire crument : Tchernobyl ressemble à n’importe quel lieu abandonné de par le monde. Les bâtiments décrépis se sont abimés de la même manière, la nature a repris ses droits comme dans n’importe quelle friche.
Seul les checkpoints pour rentrer sur le site, le bip devenu familier du compteur Geiger, les touristes que l’on peut croiser au détour d’une rue et le silence de mort qui règne en ce royaume nous rappelle où nous sommes.

Vivre au rythme de la radioactivité

J’avais 6 ans que le réacteur de la centrale a explosé et je me souviens des images à la télé. Je pense que c’est à ce moment-là que j’ai pris conscience que la vie pouvait changer, que l’on pouvait mourir. Même si les médias affichaient de partout que le nuage avait boudé la France, c’est une chose que nous ne connaissons pas ici : la radioactivité.

Ce panneau, présent dans l’ancien hôpital de Pripyat est posé sur des bouts de tissus très radioactifs. Issus des vêtements des liquidateurs qui étaient stockés au sous-sol.

Se tenir debout à un endroit, faire quelques pas et entendre le compteur Geiger s’affoler. Évoluer sur un terrain miné : préférer le sol plat à la mousse ou l’herbe qui retient plus la radioactivité. Se dépêcher de traverser cette zone de foret où sont parsemé des carcasses de véhicules et où les chiffres affichés au compteur deviennent problématiques.

Le soir le passage au checkpoint laisse toujours une appréhension sur le résultat que va donner la vieille machine qui semble sortie d’un musée des antiquités. Il est à se demander si la chose en fonctionnement n’est pas juste la petite lampe qui dit que tout va bien. Que le danger qui rode ne nous a pas atteint. Que l’on peut ressortir et continuer d’arpenter cette zone où malgré la verdure on n’entend aucun oiseau chanter.

Une zone pas si désertée

Si la zone semble « morte », il reste du monde pour faire tourner les visites de touristes. On y trouve un hôtel, un petit supermarché, des militaires pour les checkpoints. Les sociétés de tourisme aussi qui font rentrer des cars entiers de curieux. A Kiev, une ukrainienne m’a dit que Tchernobyl s’était une attraction pour les touristes. Que les ukrainiens n’y allaient pas. Pourtant, au contrôle de passeport en entrant sur la zone, je verrais passer pas mal de passeports ukrainiens.

La cantine de la centrale nucléaire de Tchernobyl. Entièrement inactive, seul les ouvriers en charge de la maintenance et ceux venus pour la reconstruction du dôme sont présents, ainsi que les touristes

En croisant d’autres groupes dans la rue, je verrais le regard triste, voir les yeux embués de larmes de certains. Je me demande si parmi ces visiteurs il y en a qui ont eu de la famille ici, voir y ont vécu plus jeune. Tchernobyl est également pour certains un grand mausolée pour se recueillir. Il y a d’ailleurs sur place des lieux qui témoignent de la catastrophe. Comme le nom des villages disparus, ou des stèles sur Hiroshima et Fukushima.

Si plus haut j’ai mentionné ne pas avoir entendu d’oiseaux chanter, j’ai croisé très peu d’oiseaux là-bas. En pleine nature c’est étrange. Il y a des animaux au vu des photos que j’ai pu voir passer sur internet, de mon côté je ne croiserais que les nombreux chiens errants.

Chiens errants autour de la centrale de Tchernobyl

Éloignés de la zone visitable, des personnes sont revenus vivre après la catastrophe. Ce sont surtout des personnes âgées maintenant. La fin de notre périple se fini par la visite d’une de ses habitantes en lui ramenant des provisions et de l’argent pour ses médicaments.
Elle nous offre quelques verres d’alcool fort, de viande séchée et nous fait visiter sa maison. Seule, la plupart des visiteurs sont juste des étrangers mais aussi les guides des sociétés de tourisme.

La nature toujours plus forte

Malgré la catastrophe, la nature a repris ses droits dans ce lieu déserté. C’est surement cela le plus étrange. Quoi que l’on fasse, la nature gagne toujours et trouve un moyen de se régénérer et de passer outre nos erreurs.
Le sol est contaminé par endroit, mais la vie est toujours là, fidèle à elle-même : luxuriante.

Seul l’humain a détruit le droit de vivre dans ce domaine qui n’est plus le sien. Même si le sol est pollué, la vie s’adapte, le corps humain et les animaux aussi. Une vie différente comme figée en 1986 mais une vie tout de même.

La radioactivité

Voici une série d’image prises sur place quand j’ai testé la radioactivité des différents endroits que j’ai visités. Vous pourrez voir les variations et mesures qui changent complétement d’un lieu à un autre.

 

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Exploratrice et photographe passionnée d’histoire, mon travail s’articule autour de 2 axes : la photographie documentaire et la photographie artistique. Je réalise des reportages sur les souterrains et lieux abandonnés dans un but documentaire et réalise des photos témoignages afin de garder une trace de ce patrimoine oublié. Mes séries de photos artistiques, réalisées dans des lieux abandonnés deviennent le décor de mises en scène où elle exprime son ressenti des lieux, les sublime et les fait renaître le temps d’une image, en mélangeant rêve et réalité afin de s’approprier le lieu.

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