En cette période compliquée liée au Covid19, les acteurs de la culture sont obligés de s’adapter. Fini les musées, les sorties thématiques avec guide. J’ai donc testé les conférences virtuelles grâce à Tourisme93 qui propose depuis le confinement des visioconférences sur différents sujets. Aujourd’hui, nous parlerons des carrières de pierres à bâtir à Paris et en Ile de France avec la conférencière Ania Guini Skliar.
Exploitation des carrières de pierre à Paris
Les carrières sont assez mal connues de l’histoire de Paris. Elles ont pourtant joué un rôle important au niveau économique ainsi que dans la construction des bâtiments et monuments qui font la renommée de Paris depuis des siècles.
Avec un sous-sol très riche en matériaux pour la construction comme le calcaire et le gypse, les Romains sont les premiers à les exploiter pour construire Lutèce.
On exploite au départ à ciel ouvert du côté de la rive gauche, puis à partir du XIIe siècle en souterrain.
L’intérêt de l’extraction de la pierre à Paris et communes limitrophes réside dans la blancheur de la pierre des bancs de roche des plus durs au plus tendre. Celle-ci est très prisée au XVIIe siècle par les architectes.
Afin de sortir la pierre on réalise des entrées de cavage à flanc de coteau puis des puits d’extraction. Ces puits s’avèrent nécessaires car plus l’exploitation avance et plus le front de taille se retrouve éloigné des entrées de cavage. Les matériaux sont alors remontés à la surface grâce à un treuil.
On va trouver au sein des carrières 2 types d’exploitations :
- Exploitation par piliers tournés : les carriers exploitent la masse de calcaire selon un quadrillage. Cela crée des piliers de masse qui soutiennent les bancs supérieurs non exploités pour maintenir la surface. Les piliers tournés le plus anciens vont du Moyen Âge et jusqu’au XVIIe siècle du côté du faubourg St Jacques et vers Vincennes.
- Exploitation par hagues et bourrages : l’exploitation laissant des déchets sur place, vers le XVe siècle, les carriers décident d’exploiter le banc dans sa totalité et d’utiliser les déchets afin de remplir les vides. Ces bourrages sont maintenus par des hagues de pierre. Les carriers montent également de gros blocs de pierre jusqu’au ciel de la carrière, appelés piliers à bras. Ils servent à stabiliser le ciel.
Après XVII siècles d’exploitation, les carrières seront abandonnées.
En 1813, on arrête l’exploitation de la pierre à bâtir à Paris et on exploite les carrières proches de paris.
En tous 3150 hectares ont été exploités et ce essentiellement coté rive gauche : 13e, 14e, 15e et 16e arrondissements.
Actuellement il ne reste plus que 10% de ces carrières. Elles disparaissent petit à petit au gré des constructions en surface.
Géologie du bassin parisien
On peut remarquer que l’on va surtout du calcaire au sud de Paris (masse rose sur le plan) et du gypse au nord et à l’est (masses vertes)
Les 5-6 mètres des bancs supérieurs sont exploitables pour la pierre à bâtir à Paris. Les bancs francs sont très utilisés. Il faut noter qu’un banc de pierre peut avoir plusieurs noms qu’ils ne sont pas toujours à la même profondeur selon les carrières.
On va trouver deux catégories de pierres : les pierres tendres et la pierre dure (moins belle que la première) sera utilisée pour les fondations. Il y a des critères techniques dans le choix de la pierre mais aussi des critères esthétiques que doivent connaître les architectes afin de reconnaitre les différents bancs de pierre et leur utilisation.
Les métiers de la pierre
Le métier de carriers est très pénible. De longues journées enfermées dans un espace étroit obligeant à travailler courbé ou à genoux dans une humidité constante et une mauvaise ventilation est le lot de ce travail de forcené. Les accidents sont courants, souvent il est question de chute ou d’écrasement.
Les maitres carriers gagnent quant à eux deux fois plus que les ouvriers carriers. Ils peuvent le faire de manière professionnelle ou occasionnelle.
En effet, il est courant que les maitres carriers cumulent avec un autre métier comme laboureur, maçons, boulanger, chandeliers.
Selon la législation le propriétaire du sol l’est aussi du sous-sol. Sous l’Ancien Régime, les propriétaires possédant un terrain ou un jardin dans un secteur connu pour son sous-sol riche en pierre à bâtir en profitent pour construire des puits d’extraction et engagent des carriers pour sortir la pierre et la vendre.
On se marie souvent entre famille de carriers, les archives notariales permettent de suivre les lignées de carriers et de leur patrimoine.
Deux familles ressortent particulièrement : la famille Arnoult Roze et la famille Sibire dont les archives révèlent 4 générations de carriers pour chacune des deux familles. Outre la fonction importante de Roze III pendant quarante ans comme voyer de la Capitainerie des chasses de la Varenne du Louvre, qui lui permet de contrôler l’exploitation des carrières sur le territoire de chasse parisien du Roi de France, on peut y trouver une association et des transactions foncières entre les deux familles pour l’exploitation de certaines carrières.
Législation et sécurité
On retient surtout l’année 1777 qui sera la date de création de l’Inspection Générale des Carrières.
Mais avant cela il y avait tout de même une législation depuis le Moyen Age. Il aura fallu des accidents et des effondrements pour réfléchir à cette législation.
À force de construire au-dessus des carrières, certains endroits s’en retrouvent affaiblis et des effondrements appelés fontis se forment.
On peut trouver trois types de législations :
- La Coutume de Paris : qui est le recueil des lois civiles de la prévôté et de la vicomté de Paris, donc de l’Île-de-France et de la ville de Paris, codifiée en 1510. Ce sont les règles du domaine du privé, qui règle les rapports entre particuliers et qui définit par exemple que le propriétaire du dessus l’est du dessous.
- Ordonnance royale et publique : qui est la réglementation officielle et fait partie de la législation publique.
- Usages locaux des carriers : qui impliquent la remise en état de la carrière et au-dessus. On avait relevé l’instabilité du sol et du danger de creuser sous les voies publiques.
Avant la création de l’IGC, deux institutions royales gèrent les carrières :
- Le Bureau des Finances de la Généralité de Paris : Ce bureau est tout d’abord chargé du contrôle des impôts. Mais en février 1626, la charge de « grand voyer » est supprimée et le Bureau des Finances de la généralité de Paris se retrouve attribué, en plus, la responsabilité de la voirie et du service des Ponts et Chaussées. le bureau délivre les autorisations d’ouvrir une carrière et qui en surveille l’exploitation
- Capitainerie des chasses de la Varenne du Louvre : administrée par les officiers de la Maison du Roi, où le droit de chasse du roi s’exerce. À l’intérieur de cette zone de chasse, les constructions et ouvertures de carrière sont soumises à autorisation afin d’assurer la sécurité du roi quand il chasse. La Capitainerie possède son propre tribunal, qui sanctionne les délits.
La Capitainerie et le bureau des finances sont rivaux et ils ont du mal à tout gérer.
Si des carriers comme Arnoult Roze gèrent dans un premier temps, leurs successeurs ne sont plus des carriers mais juste des fonctionnaires.
La création de l’IGC va permettre la création de plans de l’ensemble des exploitations puis de consolider les zones dangereuses. Afin de rechercher les vides, des galeries de recherche vont être creusées sous les voies publiques. L’inspecteur général des carrières Charles-Axel Guillaumot est l’architecte du roi. Les galeries d’inspection montrent clairement un travail d’architecte.
Les visites en visioconférences
J’ai abordé la conférence dans ses grandes lignes. Celle-ci dure 1h30 à l’issue de laquelle nous pouvons poser les questions que nous souhaitons à la conférencière.
Le sujet des carrières de pierre se prête bien à la visioconférence et même si j’ai déjà des connaissances sur le sujet j’ai appris pas mal de nouvelles choses sur les carrières. C’est donc une expérience à renouveler pour ma part.
Visioconférences Tourisme93
Les conférences se réalisent via l’outil Zoom. Un mail vous est envoyé afin d’installer l’application et le lien pour rejoindre la conférence à l’heure donnée.
Très simple d’utilisation, c’est vraiment accessible à tout le monde.
- La conférence que j’ai suivie sur la pierre à bâtir à Paris sera de retour le 7 janvier et le 21 janvier 2021, au tarif de 12€.
- Liste des conférences virtuelles d’Explore Paris
Sources :
- La pierre de Paris. Méthode d’étude de la pierre à bâtir depuis son extraction jusqu’à sa mise en œuvre
- Catacombes et carrières de Paris de René Suttel
- Carrières souterraines – IIe symposium international
- Les cadres juridiques de l’exploitation des carrières à Paris sous l’Ancien Régime